Vous avez dit « sensible » !  Trop « sensible » ?

 

 

     Comment se fait-il que ce mot sonne comme un reproche ? Qu’il soit si facilement prononcé sur un ton teinté de condescendance ? Et puis ce « trop », comment le recevoir, comment réagir à ce genre de réflexions si souvent répétées ?

 

     Peut-être en revendiquant votre nature hautement sensible, simplement, enfin ! C’est sans doute la seule attitude possible pour que la suprématie de la performance et de la compétition commence à céder du terrain. C’est certainement un moyen de faire évoluer les mentalités.

 

     Juste faire un pas en avant pour être vus et entendus. Oser se mettre en avant et expliquer. Dire qu’il est dans la nature de l’humain d’être sensible. Il est dans la nature du vivant d’être sensible. Loin d’être une faiblesse, c’est une force, une puissance, une nécessité. Être sensible, c’est avoir la capacité de capter, de se connecter, de se relier à ce qui nous entoure et ainsi, d’être pleinement présent et conscient. C’est une richesse indispensable au service de notre survie.

 

     Le sensible, bien avant d’être de l’émotion, c’est de la perception, c’est du corps. Sans toutes ces informations que perçoit le corps, pas d’émotion possible ni d’intelligence. Être sensible, c’est bête à dire, mais, c’est juste être capable de sentir !

 

     Alors, oui ! Certains humains sentent davantage que d’autres. Ils reçoivent plus d’informations car leurs sens sont plus aiguisés. Les émotions en deviennent plus intenses et la représentation du monde plus subtile. Il y a du vrai là-dedans. C’est vrai aussi qu’en conséquence, l’intelligence est singulière, déroutante parfois.

 

     Elle pourrait être précieuse si on la laissait se déployer à sa façon. Mais voilà, elle dérange parce qu’elle se manifeste à partir de critères différents : Pour les personnes hautement sensibles, être intelligent, ce n’est pas nécessairement être performant. C’est plutôt être efficace. Il n’y a pas, ici, de notion de rapidité ni de compétition. Se hâter lentement dans l’entraide et la coopération est pour eux bien plus intelligent et efficace.

 

     Lorsque le champ des perceptions est plus large, il offre une intelligence qui nécessite un terrain d’expression plus vaste. Forcément, ça donne toujours l’impression de déborder ! Les émotions et les idées aussi. Si ça déborde, c’est simplement que le contenant est trop petit ou mal adapté.

 

     En fait, la souffrance si durement ressentie par les personnes hautement sensibles n’est pas structurelle, elle est contextuelle. Elle ne vient pas de ce qu’elles sont. Elle vient des contextes dans lesquels elles évoluent.

 

     Ce qui nous est donné à vivre actuellement n’est pas humainement compatible. Si les personnes hautement sensibles réagissent plus vite et plus fort que les autres, c’est peut-être pour jouer leur rôle. Celui des loupiotes sur le tableau de bord. Olivier Revol, lorsqu’il parle des personnes haut-potentiel, les appelle les sentinelles.

 

     Envisager le phénomène de cette manière, c’est prendre conscience que la haute sensibilité n’est pas une faiblesse mais, au contraire, une richesse et une nécessité pour l’ensemble de la communauté humaine. Leurs réactions « exacerbées » sont des alertes lancées à tous pour signifier la maltraitance infligée à la nature humaine et au vivant auquel elle est intimement liée.

 

Marie-Reine PERON